Préambule

L’arrivée des Intelligences Artificielles (IA) génératives impacte directement nos métiers de communicants. L’évolution fulgurante de son nombre d’utilisateurs dans le monde nous pousse à nous adapter et à revoir nos façons de travailler.

Mais qu’on se le dise, si son utilisation offre de nombreux avantages et opportunités, elle soulève également des questions d’éthique et de responsabilité. En tant que directrice d’agence œuvrant pour l’Économie Sociale et Solidaire (ESS), il m’a semblé naturel de partager auprès de mes pairs une réflexion sur le sujet.

Mais de quoi parle-t-on exactement ? En bref, l’IA générative est un type d’IA capable de générer de nouveaux contenus de manière autonome, tels que des images, des vidéos, des textes ou des sons, en réponse à des instructions (dits prompts). Ces contenus ainsi créés sont similaires aux données d’apprentissage mais avec un certain degré de nouveauté (source Wikipédia). Si elle est capable de créer de nouvelles choses, on peut donc dire qu’elle est dans la capacité de raisonner et se rapproche réellement de ce que l’on appelle l’intelligence artificielle.

De plus en plus présente dans nos vies, nous n’avons malheureusement pas encore conscience des effets “Black Mirror” ou boomerang de l’IA à plus ou moins long terme. En tant que professionnels de la communication, nous avons donc réfléchi au sein de l’agence à un usage plus « raisonné » de cet outil incroyable.

Nous souhaitons aujourd’hui partager avec vous nos premières réflexions afin de promouvoir une utilisation plus éthique, responsable et transparente de l’IA dans le domaine de la communication, et plus précisément dans la communication responsable. Notre démarche est ouverte et participative. Votre aide, vos commentaires constructifs, suggestions et contributions seront les bienvenus.

Introduction

L’IA transforme profondément la manière dont nous abordons les métiers de la communication.

Bien que le plus souvent, l’IA soit utilisée dans la création de contenus, elle nous offre également des outils puissants en marketing et en stratégie pour optimiser les campagnes, identifier les tendances émergentes, mieux comprendre les besoins de nos audiences…

Tout en reconnaissant les multiples avantages de telles technologies, nous devons néanmoins rester conscients des défis et des risques associés à l’utilisation de l’IA en communication. Cela inclut les questions de confidentialité des données, de biais algorithmiques et d’impact sur l’emploi dans le secteur bien sûr.

Selon notre opinion, l’IA remet également en question certains aspects fondamentaux de notre métier de communicant, telles que la créativité, la recherche et l’authenticité.

Dans l’économie sociale et solidaire où apporter la preuve de son impact est primordial, peut-on réellement utiliser l’IA générative les yeux fermés sans une certaine prudence ? Que pouvons-nous mettre en place pour limiter les risques ?

L’IA, amie ou ennemie des communicants ?

Une amitié en demi-teinte

ChatGPT, Midjourney, Bard, Dall-E… qui n’a pas déjà essayé de s’intéresser à ces technologies et n’a pas été bluffé par leurs résultats ? Quelle que soit la nouveauté et ses dérives potentielles, je pense qu’il est pourtant important pour nous tous de s’y intéresser. Des métiers clés sont challengés depuis leur arrivée : Journalistes, graphistes, experts stratégiques, illustrateurs.trices, photographes, rédacteurs.trices. Alors amie ou ennemie ?

Les bons côtés

Ils sont nombreux. Mais les premiers avantages évidents de tels outils sont le gain de temps et en créativité. C’est incroyable comment un rédacteur ou une rédactrice par exemple peut gagner en efficacité. Ne serait-ce que dans ses recherches, ses idées, ou bien pour structurer son article, ou encore pour choisir le meilleur angle… On peut facilement imaginer les gains que ces outils peuvent apporter pour d’autres communicants comme les experts stratégiques, graphistes, photographes… Et tout cela, gratuitement ou à un prix accessible si premium ; une aubaine pour les associations ou entreprises qui n’ont pas les moyens de s’offrir les services d’une agence spécialisée. Certes, les résultats ne sont pas aussi bons que ceux effectués par des professionnels, mais ils sont plutôt acceptables et parfois bluffant, surtout si l’on tient compte du rapport qualité/prix dans un contexte de crise économique.

Les moins bons

Ce qui me vient tout de suite à l’esprit, c’est bien évidemment la dévalorisation de nos professions et le manque à gagner du côté des agences et communicants freelances. Pourquoi payer des professionnels alors qu’on peut le faire nous-même avec l’aide d’une IA ? L’idée que nos clients puissent nous remplacer par une IA en un clic de souris peut paraître terrifiante n’est-ce pas ? (J’exagère un peu. Quoi que ?) Car oui, je pense sincèrement, mais cela n’engage que moi, que faute de moyens, une partie de nos prospects et clients se tourneront vers les intelligences artificielles. Ensuite, je pense également aux effets secondaires pervers de la facilité. Saurons-nous encore à l’avenir faire des recherches et enquêtes dignes de ce nom ? Croiser les informations et les regards ? Savoir repérer les fake news ? … Bref, allons-nous devenir moins intelligents, nos cerveaux vont-ils s’atrophier à force de ne rien faire 😂 (Je plaisante. Bien que ?)

Assister l’homme d’accord, mais sans le remplacer

Remettons les choses à leur place. Une IA n’est pas un professionnel de la communication. Et on ne le dira jamais assez, « la communication est un métier », merci Frédéric Fougerat. Cette technologie répond avant tout à des instructions, à un prompt de l’utilisateur. Une question mal posée, des détails importants omis, peu de contexte… sont autant de paramètres qui peuvent influencer sur la qualité de la réponse de l’IA. Il est donc primordial que l’utilisateur sache déjà de quoi il parle et sache faire un prompt de qualité. Dans l’ESS, une économie faite par l’homme et pour les hommes, ne serait-il pas dommage que « la donnée » et les algorithmes prennent autant de place ? Qu’en est-il du Lien et de la richesse de l’intelligence collective ?

Et la communication responsable dans tout ça ?

J’ai encore quelques questions à ce sujet et les défis sont nombreux à relever. À l’heure de l’IA, comment vérifier la fiabilité des sources des informations ? Comment peut-on être certains de l’authenticité et de la qualité des contenus ? Les droits d’auteurs et la confidentialité sont-ils respectés ? Et qu’en est-il de l’impact environnemental de l’IA ? Un aspect sur lequel nous n’avons pas de prise pour l’instant avec une évolution qui n’envisage rien de bon à mon avis.

Il me semble pourtant difficilement envisageable de travailler sans ces outils innovants à l’avenir. Alors comment faire pour exploiter tous les horizons que nous ouvre l‘IA tout en garantissant le respect des besoins et les valeurs de l’agence ? Nous n’avons pas encore LA réponse ultime, mais pourquoi pas déjà essayer de cadrer un peu son utilisation ?

Notre utilisation raisonnée de l’IA générative au sein de l’agence : nos premières propositions

Nous sommes conscients qu’un bon usage de l’IA nécessite un cadre. Nous avons formalisé ci-dessous une première version des conduites éthiques « spéciales IA », à mettre en place pour une communication plus responsable au sein de notre agence. Voici nos propositions (à améliorer, enrichir, compléter…) :

Valoriser l’expertise métier

Nous mettons en avant l’importance de l’expertise humaine, en soulignant que l’IA générative est un outil au service des professionnels de la communication et non pas un substitut à leur savoir-faire et à leur expérience. Nous priorisons l’authenticité de nos productions en gardant l’humain au cœur de notre processus de création. Cela veut dire que nous privilégions des illustrations, photos, vidéos, audios et témoignages pris en situation réelle et par les professionnels de l’agence.

Encourager et sensibiliser aux bonnes pratiques

Nous nous adressons aux collaborateurs et clients, afin de les sensibiliser aux bonnes pratiques et promouvoir un usage plus responsable de l’IA. Nous les encourageons à mettre à jour leurs connaissances en la matière en les invitant à se former afin d’être plus efficaces.

Encadrer l’usage de l’IA générative au sein de l’agence

L’IA doit rester un outil d’aide au processus créatif, mais les professionnels doivent rester créateurs de leurs propres contenus. Autrement dit, s’ils peuvent s’inspirer de l’IA, ils doivent veiller à produire eux-mêmes leurs contenus et s’engager sur leur authenticité.

Sécuriser l’information

Confidentialité oblige, nous pensons qu’il est important que nos pratiques respectent les normes éthiques et légales en matière de protection des données et de respect de la vie privée. Par exemple en ne communiquant pas le nom de nos clients dans la rédaction de nos prompts. Il est également de notre devoir de vérifier autant que possible l’authenticité et l’exactitude des informations exploitées.

Utiliser l’IA en toute transparence

Il est absolument nécessaire à nos yeux d’informer pour éviter tout risque de manipulation ou de méprise. Tout usage de l’IA générative dans la publication de documents, photos, images et vidéos de l’agence devra obligatoirement être notifié au client, lecteur et tout public, quel que soit le support.

Intégrer des processus de validation

Même si cela est déjà le cas, nous rappelons que toutes les productions de l’agence doivent systématiquement faire l’objet d’une révision et d’une validation humaine avant sa diffusion.

Rester attentifs

Nous mettons en place un dispositif de veille en matière d’IA afin d’actualiser nos pratiques en conséquence.

Conclusion

L’IA générative challenge notre éthique et nos pratiques de communicants. Des nouveaux métiers comme éthicien.ne en intelligence artificielle ont vu le jour, démontrant que dans l’utilisation de cet outil fantastique, la prudence reste de mise.

Alors comment peut-on à la fois valoriser l’expertise de nos métiers tout en s’appuyant sur la force de cet outil ? En se formant aux bonnes pratiques et en suivant certains principes et engagements, les professionnels de la communication peuvent contribuer à maximiser les avantages de l’IA tout en minimisant les risques pour la société et les individus.

Pour ma part, minimiser veut bien dire que le risque zéro n’existe pas. Pour le moment, il me semble intéressant de se former à sa bonne utilisation, de rester vigilants ensemble et de continuer à privilégier l’intelligence humaine et collective.

Et vous, comment utilisez-vous l’IA dans le cadre de vos métiers de communicants responsables ? Avez-vous d’autres idées à nous soumettre en commentaire, par mail, par téléphone, en visio 2D ou en vrai en 3D ?🙏

Une envie folle de vous lancer ? C’est ici !